Entre les lignes, qu'entends-tu? que vois-tu?

Je crois entendre des voix, de nombreuses voix, d'hommes, de femmes, qui se cherchent à travers la ville, qui chuchotent, qui hurlent, qui se lassent et puis se taisent.
Le silence revient, un court instant, puis se remplit à nouveau, se remplit d'autres voix, muettes et sourdes.
Et si l'on attend, on commence à distinguer, on risque d'apercevoir, d'autres mots, d'autres phrases, d'autres textes. Une forme irrégulière et familière, la prose de quelques personnes liées par le même désir, le même besoin : celui d'écrire et de le partager.

Je vois le monde qui vit, d’une vie hésitante, d’une vie menaçante.
Sur les toits, on peut voir de petites lueurs dans les yeux des apprentis astrologues,
De petites lueurs rêvant d’un ailleurs, d’un ailleurs rempli de rêve, rempli d’espoir.
Et il se fait bien tard, et il se fait bien froid.
Je vois le monde qui chante, d’une chanson censurée, d’une chanson ébréchée.
De jolis pansements de béton naissent aux recoins des villes, au loin des bidonvilles.
Le sol tremble, le sol hurle, et le mortier vient rassasier l’enfant en colère.
Refusant sa parole, ils entassent, ils entassent.
Je vois le monde qui rit, d’un rire sarcastique, d’un rire dramatique.
La mesure omniprésente frappe, intransigeante, elle frappe, toisant les contre-courants.
Le bien est pris en bouc émissaire, la pensée est extraite, la pensée est suspecte.
Et la ballerine tourne, et la ballerine vole.
Je vois le monde qui crie, d’un cri dévorant, d’un cri terrifiant.
L’oiseau s’exprime, et les langueurs de jour d’automne l’inspire secrètement.
Mais l’oiseau dérange, l’oiseau et son chant indomptable.
Vulnérables âmes, Intolérantes peurs.
Et puis je vois le monde qui danse, d’une danse d’ivrogne, d’une belle danse.
Il tourne, il tourne, et il oublie.

Floriane Bouvet

« Chère Maman,
Tout d'abord ne m'en veux pas si je ne t'appelle pas, mais je préfère le crayon au téléphone. N'y vois aucun refus au progrès technologique mais l'amour de l'encre est très ancré dans mon coeur. (Pardon pour ce jeu de mot stupide)
Si tu me lis en ce moment, c'est pour savoir comment se porte ton fils adoré. Ne t'inquiètes pas, je vais très bien, les activités avec les copains et les animateurs sont superbes et le cadre est absolument charmant. En effet, le changement d'air m'apporte tous ses bienfaits...
Voilà j'espère que tu es satisfaite, et je ne l'écrirais jamais assez, ne t'inquiètes pas ! Le protectionnisme parental est une tare dans l'éducation. Laisse donc les choses faire ! Tu ne penses pas que l'affrontement direct avec les difficultés est le meilleur des enseignements ? La science de la contrariété comme le disait un de mes écrivains préférés. Tu sais, les écrivains de science-fiction ne sont pas tous que des « bouffons littéraires », comme tu te laisses souvent à dire, destinés à notre seul amusement (plus particulièrement nous les jeunes). Garde donc pour toi tes auteurs incompréhensibles et inconnus du public appréciés seulement par l'intelligentsia litteratura, je suis un citoyen du peuple moi !
Je vais être honnête avec toi Maman, je voulais t'écrire cette lettre dans l'unique but de te décrire ma famille d'accueil. En effet, je me délecte de plaisir rien qu'en pensant aux grimaces que tu vas faire lorsque tu vas me lire...
Tout d'abord, je n'ai jamais vu une maison si mal rangée et si peu entretenue. Le jardin est comparable à l'Amazonie et la peinture de la façade est complètement ternie. Quand je suis arrivé le premier jour, mes amphitryons ont lu du dégoût sur mon visage. Cela me fait de la peine quand j'y repense, mais qu'ils me pardonnent car c'est entièrement de leur faute. Néanmoins, c'est le seul reproche que je leur ferais car leur sens de l'hospitalité est hors norme.
Ma chambre est propre malgré les centaines de bibelots entassés sur des étagères invraisemblables, des anciens numéros du « Canard » traînent dans un coin. J'habite actuellement dans l'ancienne chambre des parents, ils ont divorcé et seul la mère est restée avec ses deux enfants. La fée du logis si j'ose écrire ainsi n'a pas vraiment de chambre, elle se laisse s'endormir devant la télévision sur le canapé du salon. Ses affaires sont éparpillées un peu partout dans le séjour, dans les W.C, dans la salle de bain et dans la cuisine on peut retrouver sa mallette de manucure posée sur le four à micro-onde ! D'ailleurs, on peut remarquer sur la nappe plastifiée de très mauvais goût les traces blanches du détergeant de ses produits.
Et encore je ne t'ai pas parlé du réfrigérateur ! Un amoncellement de nourriture avariée, des boites de conserves entamées, la nourriture du chat, les camemberts qui empestent, les légumes pourris et ce qui m'étonne le plus : plusieurs barquettes de margarine et des dizaines de yaourts que personne ne touche ! Je ne vais pas refaire la même erreur que Pandore, je ne l'ouvrirai plus jamais ce réfrigérateur.
Le carrelage du sol est constamment tâché par je ne sais quoi, des restes de boisson ou de nourriture tombés sur le sol probablement. C'est assez écoeurant.
Les armoires et les tiroirs sont remplis de tout et n'importe quoi, je suis sûr qu'ils pourraient se faire une fortune en revendant tout au marché aux puces. Voici les résultats de la pêche : des couteaux, des feuilles, des hameçons, la dernière facture EDF, des CD, des clés, des tonnes de maquillages, des calculatrices, des habits. Je t'assure, la liste est loin d'être exhaustive. Je le sais car tous les matins c'est le même rituel : la mère de mon correspondant recherche ses clefs de voiture et elle retourne à chaque fois tous les tiroirs. Organisation, pardon, vous avez dit quoi ?
Maman, si tu voyais de tes propres yeux ce capharnaüm, tu ferais probablement une syncope.
Mon correspondant a un peu honte car il m'a confié : Je sais que c'est le bordel ici, je suis désolé, mais il faut croire que ma famille ne sait pas refermer les bouchons de dentifrices..
On m'appelle pour manger. Je te laisse Maman, embrasse bien Papa et Valentina de ma part.
Ton fils adoré.»

Extrait de « Fragments de pensées » de Mathias Maëlstrom.
http://bounou.info/index.php?2006/05/18/7-edition-de-minuit